Des jeux vidéos pour aider les enfants dyslexiques

10/08/2016 13:18:36

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Ah! Le beau titre accrocheur! Sur un blogue de vulgarisation scientifique crédible, le choix peut sembler douteux, n’est-ce pas? Mais je vais bel et bien vous parler d’une surprenante étude qui démontre que jouer à un jeu vidéo d’action (par exemple un jeu commercial standard disponible sur la Wii) peut avoir un effet considérable sur les habiletés de lecture de jeunes dyslexiques. Surprenant, non?

 

Un peu de théorie

Les jeux vidéos ont souvent eu mauvaise presse dans les dernières années. Que ce soit en raison de leur surutilisation ou parce qu’ils exposent les enfants et les adolescents à du contenu violent, les jeux vidéos se retrouvent souvent au banc des accusés. Par contre, la recherche scientifique dresse un portrait beaucoup plus nuancé que ce que l’on peut lire ou entendre dans les médias (Tobin & Grondin, 2009). Notamment, il a été démontré empiriquement que jouer à des jeux vidéos peut engendrer des gains cognitifs, notamment sur le plan de l’attention visuelle (Ferguson, 2007). En effet, les jeux commerciaux sont souvent très exigeants au point de vue attentionnel : le joueur doit être à la fois rapide et attentif puisqu’il est bombardé de stimuli. Il n’est donc pas farfelu de penser que les jeux vidéos pourraient aider les jeunes à améliorer leurs capacités attentionnelles.

Par ailleurs, les causes de la dyslexie sont encore plus ou moins bien connues. On note cependant que les enfants dyslexiques ont souvent des difficultés attentionnelles, notamment dans la modalité visuelle (Vidyasagar & Pammer, 2010).

 

Une étude sur l’utilisation des jeux vidéos et les enfants dyslexiques

Franceschini et son équipe (2013) ont fait le lien suivant : si les jeux vidéos peuvent améliorer l’attention visuelle, qui fait défaut chez les dyslexiques, est-ce qu’un entrainement à des jeux vidéos aiderait ceux-ci à devenir de meilleurs lecteurs? D’après leur étude, la réponse est oui! Voici comment ils sont parvenus à établir ce fait.

Les habiletés en lecture de mots et de non-mots de 20 jeunes dyslexiques ont été évaluées à deux reprises, soit une première fois avant le début de l’étude, puis une seconde fois à la fin de l’étude, après avoir subi un entrainement à des jeux vidéos. Cet entrainement consistait à jouer à des jeux vidéos au cours de 9 séances de 80 minutes chacune. Deux groupes expérimentaux de 10 jeunes chacun ont été créés selon le type de jeu utilisé, à savoir un jeu d’action et un jeu de « non-action », c’est-à-dire un jeu peu exigeant sur le plan de l’attention visuelle.

Les résultats démontrent que les jeunes ayant eu un entrainement avec le jeu d’action ont significativement amélioré leur performance au test de lecture (autant pour les mots que pour les pseudomots). Pourquoi le jeu vidéo d’action a-t-il produit cet effet? Les chercheurs avancent que c’est parce que ce type de jeux est plus exigeant sur le plan attentionnel.

Devant ces résultats étonnants, les chercheurs ont décidé de faire un suivi auprès des jeunes ayant été exposés au jeu vidéo d’action et n’ayant pas reçu de traitement spécifique à leur dyslexie, comme de l’orthopédagogie. Ainsi, 6 des 10 jeunes du groupe expérimental ayant joué au jeu vidéo d’action ont été réévalués 2 mois après l’étude. Les résultats de ce suivi ne montrent aucun déclin dans la performance en lecture, ce qui laisse présager que l’effet persiste à long terme. Les chercheurs n’ont malheureusement pas effectué de suivi avec un groupe témoin pour comparer les résultats et en tirer de meilleures conclusions.

 

La suite?

Avant de systématiquement proposer des périodes obligatoires de jeux vidéos à vos élèves, il reste encore bien du chemin à parcourir. D’autres recherches sont nécessaires, notamment pour reproduire ce résultat à plus grande échelle et pour vérifier le transfert dans une tâche de lecture dans « la vie de tous les jours ». Également, il serait intéressant de déterminer exactement quel type de jeux vidéos recommander pour améliorer l’attention visuelle. Néanmoins, l’étude de Franceschini et son équipe (2013) reste inspirante. En effet, les jeunes de l’étude ont fait des gains alors qu’ils n’étaient pas en train d’étudier ou de faire un suivi orthopédagogique; ils jouaient à un jeu vidéo commercial… Ça, c’est du temps libre payant! L’étude constitue aussi un bel exemple qui démontre que plus nous allons comprendre les causes des différents troubles d’apprentissage, plus nous serons en mesure d’élaborer des solutions gagnantes pour aider les élèves en difficulté.

 

 

Références

Ferguson, C. J. (2007a). The good, the bad and the ugly: A meta-analytic review of positive and negative effects of violent video games. Psychiatric Quarterly, 78(4), 309–316.

 

Franceschini, S., Gori, S., Ruffino, M., Viola, S., Molteni, M., & Facoetti, A. (2013) Action Video Games Make Dyslexic Children Read Better. Current Biology, 23(6), 462–466.

 

Tobin, S., & Grondin, S. (2009). Video games and the perception of very long durations by adolescents. Computers in Human Behavior, 25, 554-559.

 

Vidyasagar, T. R., & Pammer, K. (2010). Dyslexia: a deficit in visuo-spatial attention, not in phonological processing. Trends in Cognitive Science, 14(2), 57–63.

 

Crédit photo: Shutterstock

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