La gestion des conflits chez les enfants de 6 à 12 ans

22/05/2019 16:00:00

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«L’école n’est pas qu’un lieu de transmission des savoirs, elle est également un lieu de relations.» (Bowen et Desbiens, 2004)

Les conflits entre les enfants représentent une réalité à laquelle il est difficile d’échapper. En fait, les conflits sont naturellement présents dans la vie. L’apprentissage des compétences de gestion constructive de ces derniers est donc crucial dans l’éducation d’un enfant (Bowen et Desbiens, 2004; Campigotto, 2015; Lane-Garon, Yergat, et Kralowec, 2012). Il importe de distinguer le conflit qui découle d’une dispute entre enfants du phénomène d’intimidation ou de violence. Dans le premier cas, une recherche de solutions pacifiques sera encouragée, alors que dans le deuxième cas, le principe de tolérance zéro sera appliqué (Bowen et Desbiens, 2004). Ce billet vise à outiller les enseignants et les intervenants scolaires dans la gestion des conflits en s’appuyant sur des pratiques efficaces. En ce sens, les programmes axés sur les conduites pacifiques, la discipline positive et un climat scolaire bienveillant sont souhaitables. 

Les programmes axés sur les conduites pacifiques

Plusieurs écoles qui s’inscrivent dans le courant de tolérance zéro ont instauré des mesures visant à contrer les manifestations de violence et d’intimidation. Ces mesures sont généralement soutenues par un code de vie et des règlements qui prévoient des sanctions disciplinaires, telles que des rencontres avec la direction, des contrats de comportement, voire la suspension et l’expulsion de l’école. Parallèlement à ces mesures, certains milieux scolaires tentent d’implanter divers programmes ou stratégies de prévention afin de valoriser les conduites pacifiques chez les élèves. Or, ces mesures axées sur la prévention et la promotion des comportements sociaux positifs sont souvent escamotées au profit d’actions d’intervention d’urgence, faute de ressources humaines et financières (Bowen et Desbiens, 2004). Pourtant, les études montrent que les mesures disciplinaires punitives sont susceptibles d’accroitre les conduites agressives chez les élèves (Bowen et Desbiens, 2004; LaRusso et Selman, 2011; Thakur, 2017). 

Le but des interventions positives est de réduire l’escalade des rapports de force en plus d’encourager la responsabilisation des élèves dans la recherche de solutions pacifiques (Bowen et Desbiens, 2004). L’implantation d’un programme visant le développement des conduites pacifiques chez les élèves exige d’abord que les pratiques et les attitudes des enseignants et des intervenants scolaires, de même que les mesures d’encadrement de l’école favorisent un climat scolaire sain (Bowen et Desbiens, 2004; Lane-Garon, Yergat, et Kralowec, 2012). En ce sens, la collaboration étroite entre la direction, les enseignants, les intervenants et les parents est essentielle pour fournir aux enfants des environnements qui soutiennent l’acquisition de conduites pacifiques. 

Les programmes axés sur les conduites pacifiques incluent une variété de stratégies qui permettent à l’enfant d’approfondir sa compréhension de la notion de conflit, et des processus sociaux, cognitifs et émotionnels liés à une gestion constructive de ceux-ci. Ces programmes aident aussi l’enfant à acquérir des compétences pour résoudre les conflits (Lane-Garon, Yergat, et Kralowec, 2012). Généralement offerts en contexte de prévention à tous les élèves de la classe, les programmes de résolution de conflits montrent des résultats positifs pour la plupart des participants. Toutefois, certains élèves ont besoin d’une intervention spécialisée en sous-groupe ou individualisée lorsqu’ils présentent des comportements à risque et que le programme de prévention semble peu efficace pour eux (Bowen et Desbiens, 2004 ; Lane-Garon, Yergat, et Kralowec, 2012). Au Québec, Vers le Pacifique est un exemple programme axé sur les conduites pacifiques.   

La médiation par les pairs constitue un volet important à considérer dans l’implantation d’un programme axé sur les conduites pacifiques (Lane-Garon, Yergat, et Kralowec, 2012). Après avoir reçu une formation, les élèves médiateurs agissent en tant que facilitateurs dans la gestion des conflits quotidiens; ils développent la communication respectueuse, l’autocontrôle et l’appréciation des différences entre les personnes et leurs idées. La médiation par les pairs permet une contribution significative des élèves au climat de leur école en plus d’avoir des effets bénéfiques sur le bien-être personnel des médiateurs (Malizia et Jameson, 2018). Les programmes axés sur les conduites pacifiques sont d’autant plus pertinents s’ils s’inscrivent dans une discipline positive.  

La discipline positive

La discipline est souvent vue comme une pratique punitive et contraignante alors qu’en réalité, elle est efficace lorsqu’elle est positive et constructive (Thakur, 2017). La discipline positive appuie l’enseignement et l’éducation en plus d’aider l’enfant à développer sa confiance en lui. En fait, elle le motive, l’encourage et le soutient dans ses apprentissages. La discipline positive n’est pas permissive, laxiste, ni exempte de cadre, de règles ou de limites. C’est une approche à la fois ferme, non violente et respectueuse de l’enfant, qui vise des solutions à long terme pour encourager une communication saine et des relations positives. Elle favorise aussi le développement de l’empathie, du respect de soi et des autres, et elle accroit la confiance en sa capacité à faire face aux situations sociales ou scolaires qui présentent des défis. La discipline positive implique de reconnaitre que les différents aspects liés aux apprentissages et au développement de l’enfant sont interreliés. C’est une approche basée sur les forces; elle est inclusive, proactive et participative (Nelsen, Lott, et Glenn, 2018; Thakur, 2017).

Les attitudes et les comportements spécifiques à adopter par les enseignants et les intervenants qui souhaitent instaurer la  discipline positive dans leur pratique sont, par exemple: 1) encourager le respect mutuel (p. ex., reconnaitre les sentiments et les besoins, partager les décisions et les buts, s’entendre sur les limites); 2) favoriser la communication réciproque (p. ex., exprimer des émotions et des faits, écouter l’autre); 3) soutenir le développement de compétences comme la conscience de soi, l’autorégulation, la recherche de solutions non violentes et la gestion du stress (Thakur, 2017). 

Selon Thakur (2017), la discipline positive implique également la connaissance des différents facteurs qui amènent les élèves à adopter des comportements inadéquats. Parmi ces facteurs, on trouve notamment le manque d’encouragement et de stimulation, une définition rigide des comportements acceptables, la recherche d’attention, de pouvoir ou de vengeance et le manque de confiance en soi. Le fait de comprendre ces facteurs peut faciliter la réponse au besoin que l’enfant cherche à combler. Dans cette optique, il est également intéressant de noter que l’élève tend à vouloir satisfaire un besoin d’appartenance, qui se subdivise en trois besoins, soit celui de se sentir capable d’effectuer les tâches scolaires demandées, celui de se sentir connecté et en relation avec les autres élèves et les adultes de l’école, et celui de sentir qu’il contribue au groupe de façon significative. 

L’approche de la discipline positive représente un investissement à long terme qui prépare l’enfant à devenir un citoyen responsable. À contrario, les stratégies axées sur les objectifs à court terme (p. ex., les systèmes de punitions et de récompenses) ne tiennent pas compte de la trajectoire de l’élève une fois l’année scolaire terminée (Nelsen, Lott, et Glenn, 2018; Thakur, 2017). La qualité du climat à l’école constitue également un élément crucial pour soutenir le parcours de l’enfant tout au long de sa scolarisation.

Le climat scolaire

«Le climat scolaire repose sur la façon dont les élèves, les parents et le personnel scolaire perçoivent la qualité de vie à l’école. Il est constitué de plusieurs composantes regroupées sous quatre grands axes, soit le sentiment de justice et de sécurité; le soutien aux apprentissages scolaires et sociaux; la qualité des relations interpersonnelles; et l’attachement au milieu.» (MEES, 2019) 

À la lumière des résultats de leur étude portant sur les stratégies de résolution de conflits et le climat scolaire, LaRusso et Selman (2011) avancent que le climat à l’école ne repose pas exclusivement sur les comportements entre pairs: il dépend également des réponses des enseignants aux conflits des élèves entre eux, et aux conflits entre les enseignants et les élèves. Les auteurs affirment qu’au sein des écoles qui montrent un climat soutenant, les enseignants réagissent avec consistance et efficacité aux conflits et aux problèmes sociaux entre les élèves. Lorsqu’ils ont un conflit avec un élève, ils tendent à écouter et à négocier au lieu d’imposer un pouvoir unilatéral. À l’inverse, dans une école dont le climat est moins soutenant, les enseignants ont tendance à ignorer l’intimidation et les comportements d’agression, ou alors ils punissent l’enfant. Lorsque le conflit concerne la relation avec un élève, ils peuvent même être irrespectueux et agressifs envers celui-ci (LaRusso et Selman, 2011). En somme, pour que le climat d’une école favorise la résolution de conflits, les élèves doivent utiliser des stratégies coopératives, mais les enseignants et les intervenants doivent aussi adopter des pratiques positives. 

Récemment, dans le cadre de sa thématique annuelle 2018-2019 portant sur le climat scolaire, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur a mis à la disposition du personnel scolaire des outils pédagogiques s’inspirant des pratiques reconnues comme efficaces dans les recherches. Ces outils s’inscrivent sous le thème «L’adulte comme modèle de bienveillance à l’école». Ils valorisent un climat scolaire positif, sécuritaire et bienveillant et s’appuient sur le fait que les adultes ont une grande influence sur les enfants. Selon le MEES (2018), la bienveillance a un effet bénéfique sur le climat scolaire, la motivation et la réussite des élèves. Elle contribue à la mission éducative de l’école québécoise: qualifier dans un monde en changement, socialiser dans un monde pluraliste et instruire dans un monde de savoir. En contexte scolaire, la bienveillance se traduit par des gestes et des attitudes empathiques qui témoignent d’une considération pour l’autre et d’une ouverture à son égard. 

En conclusion

Certaines pratiques ont fait leurs preuves pour favoriser la gestion de conflits par les élèves. Ce défi relève non seulement des élèves, mais aussi des enseignants et des intervenants, qui gagnent à adopter une discipline positive et à contribuer au climat scolaire sain de manière bienveillante. «Intervenir avec bienveillance, c’est s’assurer que le milieu scolaire demeure un endroit où il fait bon vivre et apprendre ensemble.» (MEES, 2018)

Références

Bowen, F. et Desbiens, N. (2004). La prévention de la violence en milieu scolaire au Québec: réflexions sur la recherche et le développement de pratiques efficaces. Éducation et francophonie, 32(1), 69-86

Campigotto, M. (2015). Sujet de disputes ou objet de partage? L’anthropologue au centre de conflits entre enfants de 5 à 8 ans (Liège, Belgique). AnthropoChildren: Perspectives ethnographiques sur les enfants et l’enfance, 4. https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/196126/1/campigotto_anthropochildren_4.pdf

Lane-Garon, P., Yergat, J. et Kralowec, C. (2012). Conflict resolution education and positive behavioral support: a climate of safety for all learners. Conflict Resolution Quarterly, 30(2), 197-217

LaRusso, M. et Selman, R. L. (2011). Early adolescent health risk behaviors, conflict resolution strategies, and school climate. Journal of Applied Developmental Psychology, 32(6), 354-362

Malizia, D. A. et Jameson, J. K. (2018). Hidden in plain view: the impact of mediation on the mediator and implications for conflict resolution education. Conflict Resolution Quarterly, 35(3), 301-318

Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) (2019). Être un modèle de bienveillance – Personnel scolaire. http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/adaptation-scolaire-services-comp/Bienveillance-personnel-scolaire-fr.pdf

Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) (2018). L’adulte comme modèle de bienveillance à l’école. Document de soutien 2018-2019. http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/adaptation-scolaire-services-comp/Climat-scolaire-thematique2018-Document-de-soutien.pdf

Nelsen, J., Lott, L. et Glenn, S. (2018). La discipline positive dans la classe. Favoriser l’apprentissage en développant le respect, la coopération et la responsabilité. Paris, France: Éditions du Toucan. 

Thakur, K. (2017). Fostering a positive environment in schools using positive discipline. Indian Journal of Positive Psychology, 8(3), 315-319

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