Pourquoi y a-t-il des familles vulnérables?

30/05/2018 10:01:17

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Une famille vulnérable, ou à risque, est une famille ayant des difficultés à « faire face aux défis de la vie quotidienne et [à] fournir aux enfants un environnement sécuritaire, structuré et chaleureux » (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2018). Le développement cognitif et psychosocial des enfants peut être influencé par les conditions d’adversité dans lesquelles ils se développent (Japel, 2008). Dans ce billet, les déterminants de la parentalité seront d’abord abordés suivis des défis de l’adulte dans l’exercice de son rôle parental.

 

Les déterminants de la parentalité

Selon Belsky (1984), trois catégories de facteurs détermineraient la parentalité ou l’exercice du rôle parental : les ressources psychologiques ou les caractéristiques individuelles du parent, les caractéristiques individuelles de l’enfant, et les sources de stress ou de soutien de l’environnement. Lorsque ces déterminants sont «?négatifs?», ils représentent alors des facteurs de risque, c’est-à-dire des facteurs qui sont susceptibles d’augmenter la probabilité d’apparition ou d’aggravation d’un ou plusieurs problèmes émotionnels ou comportementaux (Werner, 2004). Lorsqu’ils sont optimaux, ils peuvent être considérés comme des facteurs de protection, c’est-à-dire des facteurs qui sont susceptibles de diminuer la probabilité ou les effets d’une problématique lorsqu’il y a présence de facteurs de risque.

La première catégorie de facteurs englobe la trajectoire développementale du parent, sa personnalité, son niveau de maturité ainsi que le bien-être ou les difficultés sur le plan de sa santé mentale. Un adulte ayant une bonne santé mentale devrait être en mesure de démontrer la sensibilité nécessaire auprès de son enfant afin de promouvoir un développement optimal. En contrepartie, la dépression, une personnalité antisociale ou une expérience d’abus ou de négligence pendant l’enfance sont des facteurs pouvant rendre le parent plus vulnérable au stress. Ces parents auraient ainsi tendance à être plus irritables, à critiquer davantage et à être plus punitifs auprès de leurs enfants (Webster-Stratton, 1990). D’après le modèle de Belsky (1984), les ressources psychologiques du parent, lorqu’optimales, jouent un rôle protecteur dans la relation parent-enfant. Ces ressources permettent au parent de continuer à utiliser des pratiques efficaces malgré le contexte d’adversité provenant de l’environnement et des caractéristiques individuelles de l’enfant. Ces ressources constituent les facteurs les plus déterminants dans l’exercice du rôle parental.

La deuxième catégorie de facteurs inclut la contribution de l’enfant, qui agirait de façon transactionnelle sur les pratiques parentales. Selon Belsky (1894), les caractéristiques des enfants les rendant potentiellement plus «?difficiles?» influencent la quantité et la qualité des soins qu’ils reçoivent.

Finalement, la troisième catégorie inclut les éléments de soutien et de stress provenant du réseau social de l’individu, de la relation avec le conjoint et du milieu de travail. Ces éléments extérieurs à l’individu influencent le sentiment de bien-être du parent et sa santé mentale qui, en retour, influencent ses pratiques parentales.

 

Les défis de l’adulte dans son rôle parental

Considérant l’importance des ressources psychologiques ou caractéristiques individuelles du parent dans l’exercice du rôle parental, plusieurs parents dont les enfants sont suivis en protection de la jeunesse vivent des difficultés de cet ordre. Parmi les difficultés souvent rencontrées chez ces parents, il y a la toxicomanie, les troubles de santé mentale, la violence conjugale et la déficience intellectuelle (Lavergne, Chamberland, & Laporte, 2001). La section suivante, qui s’appuie sur Léveillé, Chamberland et Tremblay-Renaud (2007), présente des défis vécus par les adultes vivant avec les problématiques énumérées plus haut, et leurs incidences sur l’exercice du rôle parental.

 

La toxicomanie

L’adulte ayant un problème de toxicomanie tente d’échapper à des problèmes générateurs d’émotions par la consommation d’alcool ou de drogues. Ces moyens procurent un soulagement temporaire, mais engendrent par la suite de la culpabilité et de la mésestime de soi. L’adulte se retrouve ensuite face au même problème et lorsque l’angoisse, l’insatisfaction et le sentiment d’impuissance reviennent, l’adulte utilise à nouveau cette mesure exutoire pour soulager son mal-être puisque la toxicomanie est un phénomène cyclique. Le parent qui vit un problème de toxicomanie tente tout d’abord de satisfaire ses besoins fondamentaux. Dans ce contexte, il peut être soit plus désengagé par rapport à son enfant, soit autoritaire ou hostile, selon son degré de dépendance.

 

La santé mentale

Les adultes aux prises avec des troubles de santé mentale vivent différents défis selon les traumatismes passés et actuels non résolus ainsi que les particularités du trouble. Puisque plusieurs troubles mentaux s’expliquent soit par l’inhibition ou l’impulsivité, l’un des principaux défis de l’adulte est «?de s’activer ou de modérer leurs actions et réactions?» (Léveillé, Chamberland et Tremblay-Renaud, 2007, p. XXXIII). L’individu inhibé doit s’activer alors que l’individu impulsif doit moduler ses comportements. Dans l’exercice de leur rôle parental, les parents présentant un trouble de santé mentale peuvent être davantage fluctuants et imprévisibles (impulsifs ou froids et sévères).

 

La violence conjugale

Les adultes aux prises avec de la violence conjugale vivent au quotidien dans un climat de préoccupation, de peur, de détresse et de danger. Le parent vivant cette situation ne parvient pas à répondre à ses propres besoins puisqu’il est constamment en recherche de l’équilibre relationnel et peine alors à répondre aux besoins de son enfant. Il est possible de croire que le conjoint qui contrôle la relation de couple aurait un style parental plutôt autoritaire ou hostile, alors que la victime aurait un style parental désengagé, tolérant ou inquiet.

 

La déficience intellectuelle

L’adulte présentant une déficience intellectuelle éprouve des difficultés dans la réalisation de certaines tâches quotidiennes en plus de limites cognitives telles que des difficultés de compréhension, de mémoire, d’analyse des situations et de prises de décisions. Dans l’exercice de son rôle parental, les défis qu’il rencontre pour combler ses besoins de base peuvent l’amener à ne pas être attentif à ceux de l’enfant et à être difficilement en mesure de mettre en place des règles claires et de les faire appliquer.

 

Conclusion

Lorsque les ressources personnelles des parents sont monopolisées afin de répondre à leurs propres besoins fondamentaux, il reste alors peu de place dans le quotidien du parent pour répondre aux besoins de l’enfant. L’enfant peut alors se trouver en situation de négligence puisque le parent ne répond pas à ses besoins fondamentaux. Les enfants vivant de la négligence sont plus à risque au plan de leur développement cognitif et psychosocial (ils peuvent par exemple avoir un retard de développement ou des problèmes de comportement) (voir Perrault & Beaudoin, 2008). Il faut par contre savoir que bien que ce billet traite principalement de facteurs de risque, de nombreux facteurs de protection peuvent venir diminuer les effets de ces facteurs de risque afin de soutenir le parent dans l’exercice de son rôle parental, et indirectement l’enfant.

 

 

Références

Belsky, J. (1984). The determinants of parenting: A process model. Child Development, 55, 83-96.

Japel, C. (2008). Risques, vulnérabilité et adaptation : Les enfants à risque au Québec. Choix, Institut de recherche en politiques publiques, 14(8), 1–46.

Lavergne, C., Chamberland, C., & Laporte, L. (2001). Violence conjugale et mauvais traitements envers les enfants : étude des cas signalés à la Direction de la protection de la jeunesse au Québec. IRDS/Grave (Institut pour le développement social des jeunes/Groupe de recherche et d’action sur la victimisation des enfants). Actes de colloque de l’Association Canadienne Française pour l’Avancement des Sciences (ACFAS) Sherbrooke, Mai 2001, 14 p.

Léveillé, S., Chamberland, C., & Tremblay-Renaud, A. (2007). Quand le développement personnel des parents compromet aussi celui de leurs enfants : État de la situation. Dans C. Chamberland, S. Léveillé, & N. Trocmé (Éds), Enfants à protéger-parents à aider : Des univers à rapprocher (pp. VII-LXVI). Québec : Presses de l’Université du Québec.

Perrault, I., & Beaudoin, G. (2008). La négligence envers les enfants : bilan des connaissances. Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychosociales (CLIPP) en collaboration avec le Groupe de recherche et d’intervention en négligence (GRIN) de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Montréal : CLIPP. Repéré à http://www.clipp.ca/images/documents/bilans/BilanConnaissances_ negligence.pdf

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (2018). Famille vulnérable. Dans TERMIUM Plus®, la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada, Bureau de la traduction. Récupéré de http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alphafra.html?lang=fra&i=1&index=alt&srchtxt=FAMILLE%20%20VULNERABLE

Webster-Stratton, C. (1990). Stress: A potential disruptor of parent perceptions and family interactions. Journal of Clinical Child Psychology, 19, 302-312. doi: 10.1207/s15374424jccp1904_2

Werner, E. E. (2004). Journeys from childhood to midlife: Risk, resilience, and recovery. Pediatrics114(2), 492. doi: 10.1542/peds.114.2.492

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